Authenticité, voici le nouveau mot à la mode parmi les leaders. Nous sommes désormais encouragés à venir tels que nous sommes au bureau, à participer à des conversations « franches » et à raconter des anecdotes personnelles afin de gagner la confiance de nos collègues et d’améliorer les performances de groupe. Le développement des lieux de travail collaboratifs et des équipes mobiles, dernièrement, n’a fait qu’accroître la demande pour une « intimité immédiate », les managers étant sensés donner l’exemple.
Mais faire part honnêtement de ses opinions, de ses sentiments et de son vécu au travail est à double tranchant : malgré ses bénéfices potentiels, l’ouverture aux autres peut avoir des effets pervers si elle est improvisée, pratiquée au mauvais moment ou contraire aux us et coutumes d’un pays ou d’une entreprise – avec pour conséquence de nuire à votre réputation, de vous éloigner des membres de votre équipe. Maîtriser cette ouverture exige de l’habileté de la part des leaders à tous les stades de leur carrière.
Nous vous proposons ici une analyse des principales erreurs commises par les cadres lorsqu’ils s’efforcent d’être authentiques, ainsi qu’une méthode en cinq étapes destinée à vous aider à vous ouvrir aux autres plus efficacement.
Les bourdes des leaders
L’authenticité commence par la connaissance de soi-même : cherchez donc à sonder vos valeurs, vos émotions et vos compétences.
Pour s’ouvrir efficacement aux autres, de bonnes techniques de communication sont également essentielles ; vos histoires n’auront d’intérêt que si vous les raconter bien. On rencontre généralement trois catégories de personnalités qui parlent d’elles, mais mal, en raison d’un problème de connaissance de soi – ce sont les leaders inconscients, les gaffeurs et les livres ouverts; ainsi que deux types de personnalités qui sont incapables de se livrer : ce sont les leaders impénétrables et les ingénieurs sociaux (il arrive souvent qu’une même personne rentre dans plusieurs catégories).
- Les leaders inconscients : ils n’ont pas une image réaliste d’eux-mêmes. Par conséquent, les informations et les opinions qu’ils révèlent semblent soit à côté de la plaque, soit malhonnêtes.
- Les gaffeurs : pour leur part ont une idée plus juste de qui ils sont, mais ils se trompent sur la façon dont ils sont perçus. Incapables de lire les signaux que leur envoient leurs collègues, notamment à travers le langage corporel et les expressions faciales, ils font des révélations inappropriées au mauvais moment, à moins qu’ils ne renoncent carrément à nouer des liens. Ce comportement est particulièrement notoire dans des situations interculturelles où les individus se heurtent à des normes sociales différentes.
- Les livres ouverts : ils parlent sans cesse d’eux, des autres, de tout; ils aiment trop communiquer. Aussi, bien que leurs collègues aient parfois recours à eux pour un conseil ou un renseignement, ils ne leur font pas confiance.
- Les leaders impénétrables : ils se trouvent à l’autre extrémité du spectre : ils ont du mal à parler de quoi que se soit les concernant au bureau, si bien qu’ils paraissent distants et inaccessibles et sont incapables de nouer des liens professionnels durables.
- Enfin, les ingénieurs sociaux : ils ressemblent aux leaders impénétrables, dans la mesure où ils ne se confient pas facilement, et aux gaffeurs, par leur difficulté à décrypter les signaux que leur envoient leurs interlocuteurs, mais leur plus gros défaut réside dans la façon dont ils encouragent l’ouverture aux autres dans les groupes de travail. Au lieu de commencer à balayer devant leur porte, ils délèguent cette mission à des prestataires externes, en payant par exemple des séances de team building en dehors du lieu de travail.
Les cadres qui commettent une ou plusieurs de ces erreurs peuvent sembler singulièrement incompétents. Mais leurs histoires sont beaucoup plus courantes qu’on pourrait le croire. Au cours de nos recherches, nous avons pu constater que même les communicants les plus lucides et les plus talentueux racontent parfois des anecdotes personnelles au mauvais moment, à la mauvaise personne ou tout simplement de la mauvaise façon. Nous avons donc tous intérêt à améliorer nos capacités d’ouverture.
Plan en cinq étapes
1. Cherchez à vous connaître vous-même
Il y a de nombreuses façons d’apprendre sur soi-même, mais la meilleure approche est de solliciter un feed-back honnête – idéalement un bilan à 360 degrés – de la part de ses collègues et de compléter cet exercice par du coaching. Vous pouvez aussi analyser votre propre vision du management, ainsi que les événements et les personnes qui l’ont forgée.
2. Questionnez la pertinence de vos révélations
Ceux qui maîtrisent l’art de s’ouvrir aux autres choisissent le fond, la forme et le timing de leurs révélations pour faire avancer la tâche en cours – pas pour se faire mousser ou tisser des liens purement personnels. N’oubliez pas que votre objectif lorsque vous parlez de vous au bureau, est de renforcer la confiance et la collaboration au sein de votre équipe, pas de vous faire des amis – bien que cela puisse arriver. Aussi, avant de divulguer des informations personnelles, demandez-vous si elles vous aideront dans votre travail. Ont-elles un rapport avec la situation ? Votre équipe en comprendra-t-elle mieux votre logique ? Si ce n’est pas le cas, réservez votre anecdote pour un dîner entre amis.
3. Ne dites que des choses véridiques
Cela à l’air d’une évidence, mais vous seriez surpris de la fréquence à laquelle nous entendons parler de managers qui inventent des histoires. Inventer des histoires ou distordre certains
faits peut parfois sembler être une bonne idée, mais ces arrangements avec la réalité se démasquent facilement et peuvent faire beaucoup de dégâts. Essayez plutôt de trouver des anecdotes réelles, à défaut d’être parfaites, qui jouent sur les émotions et expriment de l’empathie.
4. Ayez conscience du contexte dans lequel vous vous trouvez
Faites l’effort de vous renseigner sur les us et coutumes du pays et de l’entreprise dans lesquels vous vous trouvez en matière d’ouverture aux autres, afin d’identifier les situations dans lesquelles il est préférable de se taire. En toutes circonstances et particulièrement si vous êtes placés dans un contexte inhabituel impliquant des collègues provenant de pays, d’entreprises ou de métiers différents, demandez à des initiés de vous parler de la façon dont les gens fonctionnent et quel degré de sincérité il faut en attendre. Scrutez notamment les jeux de regards ou quand et comment les uns et les autres racontent ou sollicitent des histoires.
5. Différez ou évitez les révélations très personnelles
Les propos intimes renforcent les liens, ils ne les créent pas
Révéler trop d’informations personnelles trop rapidement va à l’encontre de toutes les normes socioculturelles de comportement, faisant apparaître celui qui se comporte ainsi comme maladroit, désespéré, voire instable. Cela ne signifie pas que vous deviez attendre des années avant de pouvoir raconter quoi que ce soit sur votre vie privée à vos collègues, il faut juste que vous ayez passé suffisamment de temps avec eux pour avoir crée les bases d’une relation de confiance et intégré les normes en vigueur à ce sujet au sein de votre entreprise. Fixez d’abord des objectifs communs, définissez les rôles et les missions de chacun, et montrez-vous crédible et digne de confiance dans votre travail. Soyez attentifs au degré d’ouverture des autres avant de faire vous-même des révélations importantes.
Ces cinq étapes devraient vous aidé à éviter certains des écueils que nous avons décrits et à devenir un leader plus efficace. N’oubliez pas de réfléchir soigneusement à vos motivations et à vos chances de succès. L’ouverture aux autres est un outil managérial précieux, mais il doit être utilisé judicieusement. Posez-vous toujours ces deux questions : quelles anecdotes avez-vous à raconter et qui a besoin de les entendre ?
Extrait du magazine Harvard Business Review France, Le must du développement personnel, par Lisa Rosh et Lynn Offermann. Illustrations : Andre Da Loba.