Si vous choisissez de faire confiance à de nouveaux clients, prestataires ou collaborateurs, vous vous mettez en position de vulnérabilité : vos résultats, financiers et autres, dépendent maintenant de leur fidélité. Mais si vous persistez à vérifier chaque affirmation et à justifier tous les détails avant de conclure un accord, vous ralentissez le processus et augmentez les coûts, vous mettant ainsi en position de faiblesse.
En affaires, la réussite exige sans l’ombre d’un doute une certaine disposition à coopérer avec les autres et à leur faire confiance.
La question qui se pose alors est : jusqu’à quel point et à qui peut-on accorder sa confiance ?
Nous accordons trop d’importance à la loyauté et la confiance, ignorant le fait que le comportement humain est toujours sensible au contexte et que cette confiance peut souvent mieux être évaluée par notre propre intuition.
Cet article s’appuie sur des études qui montrent comment la loyauté fonctionne et propose quatre points qu’il conviendra d’avoir à l’esprit la prochaine fois que vous devrez décider de faire ou non des affaires avec un nouveau partenaire.
1. L’intégrité n’est pas immuable
Nombreux sont ceux qui pensent que la réputation est garante de l’intégrité. L’entreprise s’est-elle montrée fiable par le passé ? Ses clients précédents la considèrent-ils comme un bon partenaire commercial ? Les réponses à ces questions font partir des informations les plus recherchées dans le monde des affaires. Contrairement aux idées reçues, l’intégrité n’est pas un trait de caractère permanent : un individu qui s’est montré juste et honnête par le passé ne le sera pas forcément à l’avenir.
Pour comprendre pourquoi, nous devons abandonner l’idée selon laquelle les gens sont tiraillés entre bonnes et mauvaises impulsions. Sauf cas de psychopathologie grave, le cerveau ne fonctionne pas ainsi. Il s’attache plutôt à deux types de profits : à court terme et à long terme. Et c’est le compromis opéré entre les deux qui détermine généralement l’intégrité à un moment donné. Les individus qui abusent de la confiance qui leur est accordée, en promettant un travail qu’ils ne livreront pas, peuvent en tirer un avantage immédiat, mais réduisent la probabilité d’accumuler des avantages plus importants à la suite d’un échange et d’une coopération avec le même partenaire (et avec d’autres) à l’avenir. L’issue dépend de la situation et des parties concernées.
La loyauté dépend des circonstances
Lorsqu’un prestataire garant d’un travail est exposé à d’importantes pressions pour atteindre ses objectifs de fin d’année, il est possible qu’il accorde davantage d’attention à ses préoccupations à court terme et que ceci mette à mal son intégrité. Rien ne prouve que la réputation qu’une personne a acquise en faisant des affaires avec un client particulier dans un contexte particulier, puisse être confirmée si les compromis et les responsabilités ont changé.
2. Pouvoir rime avec corruption
D’après vous, qui est les plus honnête : celui qui porte un costume Armani ou celui qui porte une veste de sport de chez Celio ? La tenue vestimentaire peut certes semblée hors de propos de prime à bord, mais une étude réalisée par Paul Piff, un psychologue social à Berkeley, révèle que les indicateurs du statut socio-économique sont de bons indicateurs de la loyauté. Il s’avère en effet, que l’augmentation du statut et du pouvoir va de paire avec la diminution de l’honnêteté et de la fiabilité.
Quand quelqu’un a un statut supérieur au vôtre, ou s’il en est simplement persuadé, il sera convaincu que vous avez plus besoin de lui que lui de vous. En conséquence, il est davantage susceptible de satisfaire des désirs à court terme que de se préoccuper des conséquences à long terme d’un comportement déloyal. Ainsi, pour savoir à qui faire confiance, il convient de tenir compte des différences de pouvoir, y compris si ces différences sont récentes ou temporaires. Si un collaborateur vient d’être promu ou a décroché un contrat important, certaines relations pourraient avoir moins d’importances à ses yeux que d’autres.
3. La confiance masque souvent l’incompétence
Il va de soit que l’intégrité ne fait pas tout. La compétence compte aussi : peu importe les intentions honorables d’une personne si ses aptitudes ne sont pas à la hauteur de la tâche requise. C’est un état de fait que notre cerveau identifie à un âge étonnamment précoce. Ainsi, selon l’étude menée par Paul Harris, professeur à Harvard, les enfants ont, dès l’âge de 4 ans, davantage tendance à chercher des informations auprès des enseignants qu’ils perçoivent comme plus compétents et à les croire. La confiance exerce un tel attrait que nous sommes souvent disposés à accorder la nôtre à un individu qui l’inspire en apparence, en particulier lorsque de l’argent ou d’autres ressources sont en jeu. Ainsi, lorsqu’ils travaillent sur des problèmes dont ils pourraient tirer profit, les gens sont davantage disposés à se fier aux informations fournies par des personnes inspirant confiance et à utiliser ces informations.
Bien que la réputation ne soit pas toujours un indicateur fiable de l’intégrité, il s’agit d’un bon indicateur de la compétence. Ceci est dû au fait que les compétences sont relativement stables, quels que soient les compromis opérés en terme d’avantages à tirer, et ne sont donc pas sujettes à un calcul moral. Donc, lorsque vous décelez une certaine loyauté chez les dirigeants d’une société, discutez avec les employés, les fournisseurs et les clients passés comme présents, afin de vous assurer qu’une telle confiance est justifiée.
4. Faites confiance à votre instinct
En réalité, tout indice est ambiguë. Pour déduire avec exactitude les intentions d’autrui, c’est un ensemble d’indices qu’il faut rechercher.
La tentation est grande de rechercher un unique signe révélateur indiquant qu’une personne n’est pas digne de confiance. S’agit-il d’un sourire trompeur ? D’un regard fuyant ? Si une personne se touche le visage, elle pourrait tenter de dissimuler inconsciemment quelque chose ou pourrait simplement avoir une démangeaison.
Mon conseil : laissez votre esprit se faire sa propre opinion sans le perturber. Il ne s’agit pas de faire aveuglément confiance à votre intuition. Mais c’est un élément d’information précieux que nous vous recommandons d’utiliser. En sachant quels sont les bons indices à rechercher, vous pourrez aussi améliorer l’exactitude de vos prédictions, puisque vous serez moins influencés par les préjugés courants ayant trait à la confiance. Cependant, n’oubliez pas que le langage corporel ne donne qu’une idée des intentions à l’instant présent d’un partenaire. En prenant en considération les changements de circonstances susceptibles de s’annoncer, vous augmentez encore vos chances de tomber juste.
Vaut-il mieux faire confiance que ne pas faire confiance ? Si vous ne savez rien de la situation de vos partenaires potentiels et si vous ne pouvez pas avoir d’échange en face-à-face avec eux, la réponse est probablement oui. Un pari pris en faveur de la confiance est préférable lorsque vous n’avez pas d’informations sur lesquelles vous appuyer, car les gains découlant des relations à long terme tendent à dépasser les pertes ponctuelles. Mais lorsqu’on a une idée de la situation de son homologue et qu’il est possible d’échanger en face-à-face, il est alors recommandé d’oublier ses a priori sur la façon dont la confiance fonctionne, et de se rappeler ces quatre règles.
Extrait du magazine Harvard Business Review France, Le must du développement personnel, par David Desteno. Illustration : Todd Detwiller